Le déni est une réaction naturelle à la nouvelle que le monde que vous connaissez, et que vous avez toujours cru immuable depuis votre enfance, va pour ainsi dire disparaître. Le déni protège contre le fait de tenir compte de cette nouvelle dans son quotidien. On peut traiter la nouvelle comme un corps étranger, comme la probabilité équivalente qu'un météore se pose sur votre tête ou soit frappé par l'éclair. Rejetée. Pour ceux qui n'éludent pas la question, il y a une période d'adaptation. On regarde autour de soi, on voit les beaux jours, les visages souriants, la langue de bois des journaux télévisés, et on se dit qu'il ne faut plus compter sur tout cela. Pourtant les gens qu'on aime vivent en ce monde-ci. Doit on les quitter? Doit-on continuer à vivre sa vie et faire semblant?Le terrible futur que l'on contemple paraît d'abord bien loin, mais il se rapproche de jour en jour. Comment réaliser les gros préparatifs qui sont nécessaires quand se préparer en la matière relève pour les autres de la folie, de la désertion ou de la négligence?
Au cours de la période où l'on fait ses choix, et que l'on réalise les préparatifs nécessaires, la dépression peut faire son apparition. C'est vrai dans toutes les doubles contraintes, où l'on doit faire un choix, mais dans ce cas où il est question d'extraterrestres et de basculement des pôles à venir, à qui s'adresser? On est un paria. Ceux qui ont peu d'attaches et sont libres de se déplacer par rapport à leur environnement matériel, leur carrière ou leur responsabilités familiales, ceux-là ont de la chance, car ils se mettent assez vite en situation, et changent pour une période où ils résolvent les problèmes à tête reposée. Ceux qui ont de nombreux engagements, ou bien des engagements profonds, ceux-là agonisent longtemps avant de sauter le pas. Quand ils se sont déconnectés de l'idée que leur vie pourra être normale, car ils savent des choses terribles que doivent encore comprendre les autres, ils sont enfin en paix.