Le problème de la dépendance est un problème de perception. Certains voient leur verre de fin de soirée dans la même optique que dautres le fait de manger un bonbon. Cest bon, cela aide à se détendre et à oublier les soucis de la journée, quel est donc le mal à cela. Dautres voient cela comme une dépendance, et assimilent dépendance avec anticipation, espérance ou désir. A lextrême il y a celui qui descend une demie bouteille, et pas seulement le soir. Ils se savent perclus dangoisse sans cela, mais pensent aussi quils maîtrisent la boisson . Demandez leur sils sont dépendants, ils vous répondront que non tout en faisant une crise de delirium tremens. Sont-ils dépendants? Oui, car leur besoin est passé du désir ou de lattente à la dépendance chimique, et ils prennent leur dose journalière pour éviter le manque. Et puis il y a la question de la dépendance psychologique, comme pour celui ou celle qui ne boit jamais mais qui a besoin de se saouler pour pouvoir avoir une relation sexuelle, et cela est une dépendance aussi vraie que celle du buveur chronique.
Quest qui cause cela, et est-ce que les contreparties des humains sur les autres planètes développent aussi des dépendances? La tendance à développer des dépendances est inhérente à toute forme de vie, et elle est assurément présente sur les autres planètes, particulièrement chez les espèces intelligentes. Prenez une simple amibe, et laissez lui le choix entre un bain de nourriture riche en éléments nutritifs et un autre bain qui soit maigre à cet égard. Lamibe choisira le bain copieux et sy adaptera, en changeant lépaisseur et la composition de sa structure cellulaire pour ne pas être étouffée par les aliments. Que se passerait-il alors si lamide était déplacée vers le bain maigre? Elle souffrirait.
Les humains deviennent dépendants pour les mêmes raisons que les créatures les plus simples, quand ils en ont loccasion. Cest bon, ça fait du bien, et pourquoi penser à demain . La plupart des dépendances humaines commencent à loccasion de circonstances où lon ne se soucie pas du lendemain, non que lon sen moque, mais parce que lon se trouve dans une situation si difficile que la probabilité même dun lendemain sen trouve atténuée. Le front à la guerre, les bidonvilles, un mari brutal, un parent abusif, une douleur chronique, tout cela mène lêtre humain à chercher une échappatoire, quelle quelle soit. Si lon parle de dépendance, il faut donc dabord en chercher lorigine, et non en évaluer les symptômes. Il nest pas donné à tout le monde davoir la peau assez dure pour pouvoir supporter ad vitam eternam des situations difficiles, et il est mal venu de condamner nimporte quel type de toxicomane car il souffre, dune façon ou dune autre.
Une fois mis en place, un mécanisme de fuite en avant peut cependant perdurer même après que les circonstances qui en ont été à lorigine aient cessé. Les humains, en tant que créatures intelligentes, sont habiles à manipuler les situations. Le jeune collégien qui fait à loccasion usage de cocaïne pour surmonter sa fatigue lorsquil étudie toute la nuit et pour se mettre dans lambiance en surprises parties, est le même quon retrouvera en train de manigancer de façon à pouvoir continuer à prendre de la cocaïne. Il travaille tard le soir, dit à sa femme que cest nécessaire à sa carrière, et il se trouve donc des excuses à prendre sa cocaïne sur le parking en pleine nuit. Est-il accro? Physiquement non, mais psychologiquement il lest, car il a modifié le cours de sa vie pour cette drogue. Elle le tient, et lui pas. Si lon a envie dune glace au chocolat et que lon va en chercher une, cest une chose, mais si on doit avoir une glace au chocolat et sarranger pour lobtenir avant tout autre chose, alors on est accro. Les tendances toxicomanes doivent être évaluées en fonction du reste de lexistence. Si le toxico est une mère ou un père, et quil a des jeunes enfants à soccuper, alors le choix de le sevrer ou de lui fournir sa drogue doit être fait en fonction de limpact prévisible sur lenfant. Si quelquun se meurt dune maladie très douloureuse, et que létat comateux induit par la drogue ne fait de mal à personne, cest une tout autre affaire.
Comme pour la plupart des choses de la vie, la dépendance nest pas intrinsèquement bonne ou mauvaise, il faut la replacer dans son contexte.